Les aspects fiscaux du compte courant du gérant

Il est étonnant de constater que bon nombre de dirigeants d’entreprises ne sont pas suffisamment sensibilisés au fonctionnement de leur compte courant. Souvent, l’incompréhension de ce mécanisme va de pair avec une certaine incompréhension des spécificités propres à l’exercice d’une activité professionnelle en société.

La notion préalable et incontournable est que « votre » société n’est pas vous. C’est une personne à part entière qui est distincte sur le plan juridique. En principe, le patrimoine de la société ne deviendra le patrimoine du dirigeant qu’après rémunération.

Cette notion intégrée, la suite semble évidente. Lorsque le dirigeant d’une entreprise se verse de l’argent du compte de la société vers son compte privé, il réalise un emprunt. De la même manière qu’il emprunterait auprès d’une banque.

L’avance en compte courant relève de cette philosophie de prêt. Elle fait, en principe, l’objet d’une convention entre la société et son dirigeant. Elle peut prévoir un montant maximum d’avance, ainsi qu’un taux d’intérêt, fiscalement encadré. En la matière, le Code d’Impôt sur les Revenus encadre les avances en compte courant d’une façon très particulière, qui frise parfois le dédoublement de personnalité. Nous le verrons plus loin dans le texte.

Le compte courant créditeur 

Dans cette situation, vous avez prêté à votre société ou vous avez concédé un délai de paiement sur un dividende, la vente de votre patientèle à l’occasion d’un passage en société, etc…

Les intérêts que la société vous doit pour ce prêt sont soumis aux exigences fiscales suivantes :

  • Le taux d’intérêt utilisé doit être conforme au taux du marché, compte tenu de la situation financière propre de l’emprunteur et de la durée du prêt[1]
  • La base de calcul des intérêts ne peut excéder la somme des réserves taxées au début de la période imposable et du capital libéré à la fin de cette période[2]
  • Les intérêts d’emprunts payés ou attribués ne peuvent excéder cinq fois la somme des réserves taxées au début de la période imposable et du capital libéré à la fin de cette période lorsque les bénéficiaires effectifs de ceux-ci font partie d’un groupe auquel appartient le débiteur[3].

Si ces conditions sont respectées, les intérêts sont déductibles pour la société et gardent la qualification d’intérêts.

Dans le cas contraire, l’administration pourra, selon le cas, rejeter la déduction des intérêts et/ou les requalifier en dividendes. L’enjeu est donc important.

Pour être complet, il y a lieu de faire la distinction entre le prêt d’argent et l’avance. En fonction du cas, certaines des limites reprises ci-dessus ne sont pas d’application.

Enfin, bien que le taux d’intérêt est en principe librement négocié entre les parties, l’administration considèrera, qu’entre une société et son gérant, un taux qui dépasse les 4% ou 5% n’est pas un taux de marché.

Le compte courant débiteur

Le compte courant débiteur apparait lorsque le dirigeant prélève plus d’argent de la société que la société ne lui en octroit. Il peut également apparaître lorsque le compte courant est utilisé pour y placer les avantages de toutes natures (ATN) que l’on ne souhaite pas faire taxer à l’impôt des personnes physiques ou utilisé comme « compte poubelle » afin de nettoyer le reste du bilan de la société.

Une situation peut être considérée comme maitrisée dans le cas d’avances de courtes périodes, avec un projet planifié, encadré par un plan de remboursement réaliste à court ou moyen terme.

Il arrive cependant que le dirigeant d’entreprise n’ait pas compris la notion fondamentale de personnalité juridique de sa société. Il pense, de bonne foi, qu’il peut prélever le cash de la société, tel quel, comme il le faisait lorsqu’il exerçait son activité en personne physique. Cela n’est évidemment pas correct.

Il arrive également que, faute de liquidité pour payer le précompte professionnel, les avantages en nature ne soient pas déclarés comme rémunération mais inscrits au débit du compte courant.

Dans les deux derniers cas, le gérant se retrouvera tôt au tard face à une situation (très) compliquée.

Le Code d’Impôt sur les Revenus considère qu’une avance en compte courant faite par la société à son dirigeant est une rémunération pour la différence qui existe entre le taux d’intérêt appliqué par la société et le taux d’intérêt fixé annuellement par Arrêté Royal[4]. Pour les revenus 2016, le taux fixé par Arrêté Royal était de 9,27%. Pour 2018, il tournera également autour des 10%. Par conséquent, si le compte courant n’est pas renfloué par son dirigeant et s’il ne fait l’objet d’aucun intérêt contractuel, voici ce qui se passera :

  • Le compte courant va croitre de +/-10% par an. Les intérêts de l’année N générant eux-même des intérêts l’année N+1.
  • Les ATN se cumuleront d’année en année. Générant à leurs tour des intérêts.
  • Les intérêts « fictifs » de +/-10% seront taxés comme revenus à l’impôt des sociétés.

C’est ce que l’on appelle l’effet « boule de neige ».

Enfin, le dirigeant doit être conscient de la « théorie de la rémunération ». Prenons le cas d’un Médecin qui a placé sa maison dans sa société. Un avantage en nature est calculé chaque année pour l’usage privé que le médecin et sa famille en font. Il s’agit d’une rémunération en nature et les amortissements annuels relatifs à l’habitation sont fiscalement déductibles. MAIS, si l’avantage en nature est porté en compte-courant, cela revient à faire payer le dirigeant et réduit l’avantage à zéro. S’il n’y à plus d’avantage en nature, il n’y a plus de rémunération et les amortissements pourraient être considérés comme non déductibles par le contrôleur fiscal, sur pied de l’article 49 du CIR92. La vigilance s’impose!

Je parlais de dédoublement de personnalité en début d’article. En effet, comment justifier autrement que le taux d’intérêt appliqué à un compte courant en faveur du dirigeant doit être limité à 4% ou 5% alors que dans le sens inverse l’administration trouve normal d’appliquer un taux quasi doublé ?!?

Sur le plan pénal, si la société se retrouve en difficulté financière et qu’elle n’est plus capable de faire face à ses crédits et/ou dettes fournisseurs, le dirigeant peut être accusé d’abus de biens sociaux et de détournement d’actif.

Rôle de votre comptable

Votre comptable est là pour vous informer et vous conseiller. Une bonne pratique de la part du gérant consiste a demander le détail de votre compte courant pour l’année écoulée au comptable. Prenez l’habitude d’analyser avec lui ce compte courant afin de comprendre son évolution et maitriser son contenu.

Solutions à envisager 

Si la société dispose de réserves et/ou de bénéfice reporté des années antérieures, la distribution d’un maxi dividende peut aider à réduire le compte courant débiteur. Cette technique implique le paiement d’un précompte mobilier qui oscille entre 15% et 30% et ne sauve généralement qu’une seule fois la situation, les réserves étant ensuite épuisées.

Une réduction de capital peut également vous aider. Soyez cependant vigilant à l’évolution de la fiscalité dans cette matière ainsi qu’aux conséquences en matière de garantie des tiers.

Dans les cas les plus dramatiques, pensez à transformer votre dette de compte courant en emprunt hypothécaire. Ceci permettra de remplacer le taux de 9,27% par un taux de +/- 2,50%. Notez que vous devrez passer devant un notaire et que l’inscription hypothécaire entraine des couts à évaluer au préalable.

En conclusion

Le recours au compte courant créditeur est un moyen simple d’optimiser la rémunération du dirigeant, si les taux et les montants en jeu sont réfléchis. De l’autre côté, le recours au compte courant débiteur est un moyen de faire face à un besoin financier ponctuel mais doit être proscrit comme moyen de sortir, à bon compte et de façon structurelle, de l’argent de la société. Au risque de se réveiller un matin avec une « ardoise » extrêmement salée à payer et des créanciers sur le dos.

Votre expert-comptable et votre banquier sont vos meilleurs conseillers, consultez les.

FTA CONSULTING SPRL

[1] Art. 18 du CIR92 et Art. 55 du CIR92

[2] Art. 18 CIR92

[3] Art. 198 du CIR92

[4] Art. 18 de l’AR CIR92

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